Histoire du calcul différentiel et du calcul intégral

Qui découvre quoi ? Il arrive que plusieurs mathématiciens se penchent sur un même problème au même moment, et y amènent chacun une solution. Ce fut le cas par exemple de Newton et Leibniz, désormais reconnus comme étant les fondateurs du calcul différentiel… Mais une telle équité entre les deux savants n’a pas toujours été d’actualité.

 

Newton
Isaac Newton

Les fluxions

Au milieu du XVIIe siècle, Newton s’intéresse à des problèmes mettant en jeu des changements de vitesse au cours du temps. Prenons un cas simple, où la vitesse d’un objet augmente de manière proportionnelle au temps qui s’est écoulé. Dans ce cas, la courbe de la vitesse en fonction du temps est représentée par une droite, et le changement de vitesse (ou accélération) est donné par la pente de cette droite.

Cas linéaire
L’accélération est égale au changement de vitesse divisée par le changement de temps

Que se passe-t-il cependant lorsque la relation qui lie la vitesse au temps est plus compliquée – typiquement, une courbe lisse ? Newton commence par remarquer que, si l’on considère un changement de vitesse ou une période de temps très petite, alors la courbe peut se résumer à un petit segment.

Fluxion
Plus on zoome sur la courbe verte, plus elle a l’allure d’un segment de droite.

Ainsi, si l’on considère des changements de temps et de vitesse petits, c’est-à-dire si l’on se restreint à un petit morceau de notre courbe, on peut toujours considérer que l’accélération est la division de ce petit changement de vitesse par ce petit changement de temps.

Ce procédé est appelé méthode des fluxions ; le temps et la vitesse sont des quantités fluentes. Newton notait alors les petits changements de vitesse ou de temps en ajoutant un point au-dessus de ces quantités.

Newton ne publie pourtant pas ses résultats. Il se contentera d’en discuter par lettres avec un autre mathématicien du nom de Gottfried Wilhelm Leibniz

Leibniz
Leibniz

Les notations de Leibniz

Leibniz travaillait lui-même sur des problèmes similaires et développa le calcul infinitésimal. Il adopta une notation différente de celle de Newton : Leibniz s’inspira des écritures Δx et δx qui désignaient une variation de la quantité x et nota alors dx une variation très petite, infinitésimale de la quantité x.

Par exemple, avec cette notation, l’accélération a était le résultat du quotient dv/dt . L’idée est encore de prendre des variations dv et dt aussi petites que possibles, qui s’approchent de  : la notion de dérivée se fait de plus en plus claire.

Pour Leibniz, l’univers est constitué d’objets infiniment petits, les fameux dx, et chaque objet que nous percevons n’est en réalité rien d’autre que la somme de ces éléments infinitésimaux. Leibniz notait cette somme par un S allongé, adoptant la forme ∫ que nous utilisons encore de nos jours pour les intégrales : x = ∫dx

De cette manière, il est possible d’approcher l’aire sous la courbe représentative d’une fonction f positive : il suffit de la découper en petits rectangles, de plus en plus fins, jusqu’à une largeur infinitésimale dx, puis de sommer les largeurs de tous ces rectangles. Ainsi, l’aire sous la courbe vaut A = ∫f(x)dx

Intégrale
Avec des rectangles de plus en plus fins, on approxime de mieux en mieux l’aire sous la courbe.

Leibniz publie son article sur le calcul infinitésimal en 1684, avant que Newton ne puisse le faire. Dès lors, les relations entre les deux savants se détériorent.

La pérennité des infinitésimaux

Newton finit par publier sa méthode en 1687 et se vante d’être le père de ces méthodes faisant appel aux infinitésimaux, non sans concéder à Leibniz les avantages pratiques de sa notation.

Des membres de la Royal Society, dont Newton et Leibniz sont membres eux-mêmes, crient alors au plagiat. Leibniz s’en plaint et cela conduit à une commission d’enquêtes, dont le rapport fut rédigé par ni plus ni moins que le Président de la Royal Society en personne… Qui n’était autre qu’Isaac Newton lui-même.

Le rapport établit ainsi Newton en fondateur du calcul infinitésimal. Ce « procès » mena à une rupture des relations entre les mathématiciens britanniques et continentaux pour près d’un demi-siècle.

Les détracteurs des infinitésimaux

Avant même ce différend, les infinitésimaux avaient tout de même trouvé leurs opposants. C’est le cas de l’évêque George Berkeley qui publie un pamphlet baptisé The Analyst : A discourse adressed to an infidel mathematician (L’analyste : un discours adressé à un mathématicien infidèle)

George Berkeley
George Berkeley

A vrai dire, ce pamphlet n’était pas dirigé contre Newton ou Leibniz, mais contre Edmond Halley, un fervent supporter du premier de ces hommes. C’est en effet lui qui permet à Newton de publier ses Principia et les rend accessible au plus grand public.

Berkeley qualifiait les infinitésimaux de « fantômes des quantités disparues », faisant référence à la manière de Newton et Leibniz de faire disparaître les infinitésimaux dès lors que le besoin ne s’en faisait plus ressentir. Prenons par exemple la courbe d’équation y=x².

  • dy = (x +dx)² – x² = x² + 2xdx + (dx)² -x² = 2xdx + (dx)²
  • En simplifiant à gauche et à droite par dx, on obtient dy/dx = 2x + dx
  • On peut alors retirer le dx isolé : dy/dx = 2x

On retrouve ainsi le nombre dérivé que nous connaissons bien : il s’agit en fait de faire tendre le dx vers 0, mais cette notion de limite n’était pas encore rigoureuse, d’où les protestations de Berkeley.

Le souci, c’est que l’on se retrouve à gauche, avec dy/dx, qui est le quotient de deux quantités infinitésimales… Autrement dit, on se retrouve à diviser zéro par zéro, une forme indéterminée !

Pour autant, la méthode se montrait redoutablement efficace, et malgré son manque de rigueur, elle continua d’être appliquée pour calculer des variations de mouvement, de vitesse. Les infinitésimaux furent néanmoins abandonnés deux siècles plus tard au profit de la notion de limite popularisée par Karl Weierstrass.

Les infinitésimaux refirent toutefois surface au milieu du XXème siècle, grâce aux travaux d’Abraham Robinson et la construction des nombres hyperréels…

Pour compléter

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