Dans tout ce chapitre, on se place dans un repère orthogonal \((O;\vec i; \vec j)\).
Intégrale d’une fonction continue positive
Soit \(f\) une fonction continue et positive sur un intervalle \([a;b]\). On appelle \(\mathcal{C}_f\) la courbe de la fonction \(f\) dans le repère \((O;\vec i; \vec j)\).
L’aire délimitée par \(\mathcal{C}_f\), par l’axe des abscisses et par les droites d’équation \(x=a\) et \(x=b\) se note \(\displaystyle\int_{a}^b f(x)dx\) et s’appelle l’intégrale de \(f(x)\) pour \(x\) allant de \(a\) à \(b\).
Exemple : Il est possible d’encadrer l’aire sous la courbe en utilisant le quadrillage. Ici, l’aire sous la courbe est composée de 31 carreaux entiers, l’intégrale est donc supérieur ou égale à 31. Par ailleurs, si on ajoute les 13 carreaux que traverse la courbe, on a alors que l’intégrale est inférieure à 44. On a alors \(31 \leqslant \displaystyle\int_{a}^b f(x)dx \leqslant 44\)
La notation de l’intégrale est due à Leibniz : pour calculer l’aire sous une courbe, Leibniz l’approchait par des rectangles de largeur de plus en plus petite.
Pour estimer l’aire sous la courbe, il fallait alors sommer l’aire des rectangles ainsi formés. La hauteur des rectangles en \(x\) était \(f(x)\) et leur largeur, notée \(dx\), se rapprochait de 0 : on faisait donc la somme des \(f(x)dx\) entre \(a\) et \(b\). Le symbole \(\displaystyle\int\) de l’intégrale n’est autre qu’un \(S\) allongé qui signifie justement « somme ».
Exemple : Pour tout réel \(x\), on pose \(f(x)=6-2x\). On cherche la valeur de \(\displaystyle\int_{-2}^1 f(x)dx\).
- Pour tout réel \(x\in [-2;1]\), on a bien \(f(x)\geqslant 0\).
- Le polygone délimité par la courbe de \(f\), l’axe des abscisses et les droites d’équation \(x=-2\) et \(x=1\) est un trapèze. L’aire d’un trapèze dont les côtés parallèles ont pour longueur \(b\) et \(B\) et dont la hauteur vaut \(h\) est de \(\dfrac{(B+b)h}{2}\)
- Ici, on a \(B=f(-2)=10\), \(b=f(1)=4\) et \(h=1-(-2)=3\). Ainsi, \(\displaystyle\int_{-2}^1 f(x)dx = \dfrac{(10+4)\times 3}{2}=21\)
Intégrale et primitives
Théorème fondamental
Démonstration : Cas où \(f\) est strictement croissante
Soit \(x\in[a,b]\) et \(h\) un réel strictement positif tel que \(x+h \in[a,b]\).
\(F_a(x+h)-F_a(x)\) représente l’aire sous la courbe de \(f\) entre \(a\) et \(x+h\) à laquelle on retire l’aire sous la courbe de \(f\) entre \(a\) et \(x\). C’est donc l’aire sous la courbe de \(f\) entre \(x\) et \(x+h\).
Ainsi, \(F_a(x+h)-F_a(x)=\displaystyle\int_{x}^{x+h} f(t)dt\)
On considère les points \(A(x,0)\), \(B(x+h,0)\), \(C(x,f(x))\), \(D(x+h,f(x))\), \(E(x,f(x+h))\) et \(F(x+h,f(x+h))\) (voir figure).
La fonction \(f\) étant strictement croissante, l’aire \(\displaystyle\int_{x}^{x+h} f(t)dt\) est comprise entre l’aire du rectangle \(ABDC\), qui vaut \(h \times f(x)\) et l’aire du rectangle \(ABFE\) qui vaut \(h \times f(x+h)\).
Ainsi, \(hf(x)\leqslant F_a(x+h)-F_a(x) = \displaystyle\int_{x}^{x+h} f(t)dt \leqslant hf(x+h)\). En divisant par \(h\) strictement positif, on a alors
\[ f(x) \leqslant \dfrac{F_a(x+h)-F_a(x)}{h} \leqslant f(x+h)\]
Or, \(f\) est continue sur \([a,b]\). Ainsi, \(\displaystyle \lim_{h \to 0} f(x+h)=f(x)\). D’après le théorème d’encadrement, \(\displaystyle \lim_{h \to 0^+}\dfrac{F_a(x+h)-F_a(x)}{h}\) existe et vaut \(f(x)\).
On raisonne de la même manière pour \(h<0\). On a donc \(\displaystyle \lim_{h \to 0}\dfrac{F_a(x+h)-F_a(x)}{h}=f(x)\). La fonction \(F_a\) est dérivable en \(x\) et \(F_a'(x)=f(x)\). Ce raisonnement vaut pour tout \(x\in[a,b]\) : \(F_a\) est une primitive de \(f\) sur \([a,b]\)
Par ailleurs, \(F_a(a)=\displaystyle\int_{a}^a f(t)dt=0\)
\[\displaystyle\int_{a}^b f(x)dx=F(b)-F(a)\]
On note également \([F(x)]_a^b\)
Démonstration : On considère la fonction \(F_a:x\mapsto \displaystyle\int_{a}^x f(t)dt\). On a alors \(F_a(b)= \displaystyle\int_{a}^b f(t)dt\). Soit \(F\) une autre primitive de \(f\) sur \([a,b]\).
Les primitives de \(f\) sur \([a,b]\) ne variant que par une constante, il existe un réel \(k\) tel que pour tout réel \(x\), \(F_a(x)=F(x)+k\). En particulier, \(F_a(b)=F(b)+k\) et \(F_a(a)=F(a)+k\). Or, \(F_a(a)=0\). Ainsi, \(k=-F(a)\) et donc \(F_a(b)=\displaystyle\int_{a}^b f(t)dt=F(b)-F(a)\)
Exemple : Puisque \(x \mapsto \dfrac{x^3}{3}\) est une primitive de \(x\mapsto x^2\) sur \([1;5]\), on a alors
\[ \displaystyle\int_{1}^5 x^2 dx = \left[ \dfrac{x^3}{3}\right]_1^5=\dfrac{5^3}{3}-\dfrac{1^3}{3}=\dfrac{124}{3}\]
Généralisation aux fonctions de signe quelconque
Exemple : Puisque \(x \mapsto \dfrac{x^4}{4}\) est une primitive de \(x\mapsto x^3\) sur \([-2;1]\), on a alors
\[ \displaystyle\int_{-2}^1 x^3 dx = \left[ \dfrac{x^4}{4}\right]_{-2}^1=\dfrac{1^4}{4}-\dfrac{(-2)^4}{4}=-\dfrac{15}{4}\]
La quantité ici est négative, il n’est pas possible de l’interpréter directement comme une aire. Il s’agit en réalité de la différence de l’aire entre la courbe et l’axe des abscisses lorsque la courbe est au-dessus de cet axe et de cette même aire lorsque la courbe est cette fois en-dessous de l’axe des abscisses.
Propriétés de l’intégrale
Soit \(f\) et \(g\) deux fonctions continues sur un intervalle \([a,b]\) et \(c\) un réel de l’intervalle \([a,b]\). Soit \(\lambda\) réel.
- \(\displaystyle\int_{a}^b (f+g)(t)dt=\displaystyle\int_{a}^b f(t)dt+\displaystyle\int_{a}^b g(t)dt\)
- \(\displaystyle\int_{a}^b \lambda f(t)dt=\lambda\displaystyle\int_{a}^b f(t)dt\)
- (Relation de Chasles) \(\displaystyle\int_{a}^c f(t)dt+\displaystyle\int_{c}^b f(t)dt = \displaystyle\int_{a}^b f(t)dt\)
La relation de Chasles permet notamment de calculer la valeur d’intégrales de fonctions définies par morceaux.
Exemple : On considère la fonction \(f\) définie pour tout réel \(x\) par \(f(x)=\left\{\begin{array}{ll} x^2+1&,\text{ si }x<0\\ x^3+1&,\text{ si }x\geqslant 0\end{array}\right.\).
\[\displaystyle\int_{-2}^3 f(t)dt=\displaystyle\int_{-2}^0 f(t)dt+\displaystyle\int_{0}^3 f(t)dt=\displaystyle\int_{-2}^0 (t^2+1)dt+\displaystyle\int_{0}^3 (t^3+1)dt\]
Or, une primitive de \(x\mapsto x^2+1\) sur \([-2,0]\) est \(x\mapsto \dfrac{x^3}{3}+x\) et une primitive de \(x\mapsto x^3+1\) sur \([0;3]\) est \(x\mapsto \dfrac{x^4}{4}+x\). Ainsi,
\[\displaystyle\int_{-2}^3 f(t)dt=\left[\dfrac{x^3}{3}+x\right]_{-2}^0+\left[\dfrac{x^4}{4}+x\right]_0^3=\dfrac{14}{3}+\dfrac{93}{4}=\dfrac{335}{12}\]
Soit \(f\) une fonction continue sur \([a,b]\)
Si pour tout réel \(x\) dans \([a,b]\), \(f(x)\geqslant 0\), alors \(\displaystyle\int_{a}^b f(x)dx \geqslant 0\)
Conséquence : Si pour tout réel \(x\), \(f(x)\geqslant 0\) et \(\displaystyle\int_{a}^b f(x)dx = 0\), alors \(f\) est la fonction nulle.
On dit que l’intégrale est positive
Cette propriété est souvent utilisée dans le sens contraposé : si \(f\) est une fonction continue et positive d’intégrale nulle, alors \(f\) est la fonction nulle.
Soit \(f\) et \(g\) deux fonctions continues sur \([a,b]\) telles que pour tout réel \(x\), \(f(x)\leqslant g(x)\).
On a alors \(\displaystyle\int_{a}^b f(x)dx\geqslant \displaystyle\int_{a}^b g(x)dx\)
Démonstration : La fonction \(g-f\) est continue et positive sur \([a,b]\). Ainsi, d’après la propriété précédente, \(\displaystyle\int_{a}^b(g- f)(x)dx \geqslant 0\).
Or, \(\displaystyle\int_{a}^b (g-f)(x)dx=\displaystyle\int_{a}^b g(x)dx-\displaystyle\int_{a}^b f(x)dx\). On a donc \(\displaystyle\int_{a}^b f(x)dx \leqslant \displaystyle\int_{a}^b g(x)dx\).
Exemple : Soit \(f\) une fonction continue sur \([-2,5]\) telle que pour tout réel \(x\) dans cet intervalle, \(x\leqslant f(x) \leqslant 7\).
Ainsi, \(\displaystyle\int_{-2}^5 xdx \leqslant \displaystyle\int_{-2}^5 f(x)dx \leqslant \displaystyle\int_{-2}^5 f(x)dx\)
Or, \(\displaystyle\int_{-2}^5 xdx = \left[\dfrac{x^2}{2}\right]_{-2}^5=\dfrac{21}{2}\) et \(\displaystyle\int_{-2}^5 7dx=[7x]_{-2}^5=49\). Ainsi, \(\dfrac{21}{2}\leqslant \displaystyle\int_{-2}^5 f(x)dx \leqslant 49\).
On appelle valeur moyenne de \(f\) sur \([a,b]\) le réel \[m=\dfrac{1}{b-a}\displaystyle\int_{a}^b f(x)dx\]
Exemple :On souhaite déterminer la valeur moyenne de la fonction \(f:x\mapsto x^2+1\) sur [1;4]. Cette valeur moyenne vaut
\[ \dfrac{1}{4-1} \int_{1}^4 (x^2+1)dx = \dfrac{1}{3}\left[ \dfrac{x^3}{3}+x\right]^4_1=\dfrac{1}{3}\left(\dfrac{4^3}{3}+4-\dfrac{1^3}{3}-1\right)=24\]
Pourquoi le nom de valeur moyenne ? Si l’on note \(M\) la valeur moyenne de la fonction \(f\), alors l’aire sous la courbe de \(f\) entre \(a\) et \(b\) correspond à l’aire du rectangle ayant pour longueur \(b-a\) et pour hauteur \(M\).
Dans le cas ci-dessous, le rectangle hachuré (qui a pour hauteur la valeur moyenne de la fonction représentée) et le domaine rempli en rouge ont la même aire.
Intégration par parties
\[\displaystyle\int_{a}^b (u’v)(x)dx=[uv]_a^b-\displaystyle\int_{a}^b (uv’)(x)dx\]
Exemple : On souhaite calculer \(\int_{0}^1xe^x dx\).
- Pour tout réel \(x\in[0;1]\), on pose \(v(x)=x\). On a alors \(v'(x)=1\)
- Pour tout réel \(x\in[0;1]\), on pose \(u(x)=e^x\) de sorte que \(u'(x)=e^x\)
On cherche alors à calculer \(\displaystyle\int_{0}^1 (u’v)(x)dx\). D’après la formule d’intégration par parties,
\[\displaystyle\int_{0}^1 (u’v)(x)dx=[uv]_0^1-\displaystyle\int_{0}^1 (uv’)(x)dx = \left[xe^x\right]_0^1-\displaystyle\int_{0}^1 e^x dx=e-[e^x]_0^1=e-(e-1)=1 \]
L’intégration par parties est pour la première fois abordée par Brook Taylor en 1715, dans son livre Methodus Incrementorum directa et inversa. Dans cet ouvrage, Taylor utilise la notation de Newton : les dérivées sont symbolisées par un point et les intégrales par un rectangle qui entoure la fonction. Pourrez-vous retrouver la formule d’intégration par parties dans cet extrait ?
Réponse : avant-dernière ligne, après le mot indeque.